Au XVIème siècle, un principe de hiérarchie dans les arts martiaux japonais fut introduit, sous le nom de “Menkyo”. Le Maître remettait alors à son disciple un certificat sous forme de rouleau calligraphié, attestant la transmission technique et mentale de son art (avec 3 à 5 niveaux). Ce système de “titres” est encore utilisé aujourd’hui dans certaines écoles traditionnelles.
La classification des grades telle qu’on la connait aujourd’hui, et les ceintures (“obi” en japonais) n’existaient pas dans les “Budo” (et a fortiori, pas dans l’ancien karaté d’Okinawa). En effet, c’est à la fin du XIXème siècle que le “Kyudan”, système des grades et des titres qui accompagnent de nos jours la progression du pratiquant, a été introduit. Il se divise en deux catégories :
- Les Kyu : pour les élèves qui sont dans les premiers niveaux de la progression, appelés “Mudansha”
- Les Dan : pour les pratiquants ayant une expertise (“Yudansha”) jusqu’à une maîtrise (“Kodansha”)
C’est Jigorō Kanō (1860 – 1938), fondateur du Judo, qui adapta et modernisa ce système de grades, au sein du Dai Nippon Butoku Kai (organisation regroupant tous les arts martiaux japonais). En 1926, ce fut appliqué au karaté par Gichin Funakoshi (1868 – 1957), lorsqu’il commença à enseigner au Japon.
Le système des Kyu
Allant en ordre décroissant, le “kyū” (級 : classe, rang, grade) indique la progression depuis la ceinture blanche (débutant = 6ème kyu généralement) jusqu’à la ceinture marron (1er kyu). Ces grades sont décernés aux élèves par le professeur, après un examen, au sein même de leur dojo. Au Japon, initialement, on passait de la ceinture blanche à la marron au fil des années de pratique. Plus tard, des couleurs intermédiaires ont été introduites, et on trouve aujourd’hui de nombreuses variations selon les pays et les dojos (liserés, deux couleurs, barrettes, autres couleurs…) : l’idée générale reste cependant le passage d’une ceinture à une autre, avec des couleurs allant du clair au foncé.
Le tableau ci-dessous représente trois systèmes de graduations pour les kyu en karaté. Le premier est encore souvent utilisé au Japon, et plus fidèle au système originel mis en place par Sensei Kanō. Il est à noter que le 6ème kyu (au judo) était à l’époque une ceinture “bleue ciel”, et non “blanche”. Le second, avec les ceintures de couleur intermédiaire, est celui couramment utilisé en occident (en particulier en France). Le troisième représente une codification en 9 kyu : il en existe aussi avec 8, 10, et même 12 kyu… Pour les enfants, des ceintures bi-colores peuvent être utilisées, afin de marquer une progression qui est, en toute logique, plus lente que chez les adultes.
(japonais)
traditionnel
en 6 kyu
en 9 kyu
(Kukyū)
(Hachikyū)
(Shichikyū)
(Rokkyū)
(Gokyū)
(Yonkyū)
(Sankyū)
(Nikyū)
(Ikkyū)
Thanks for the belts design to Buddy23Lee and Spoxjox [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
Le système des Dan
Allant en ordre croissant, le “dan” (段 : étape, niveau, grade) indique la progression après l’obtention de la ceinture marron (1er kyu), soit du 1er au 10ème dan. Le dan est symbolisé par le port d’une ceinture noire et il est décerné lors d’un examen fédéral (départemental, ligue, régional, national) devant un jury composé de 3 membres : par respect, demandez l’aval à votre professeur avant de vous y présenter. A partir du 8ème dan, il n’y a plus d’examen, l’attribution étant faite par la fédération, à titre honorifique. Les grades supérieurs marquent la valeur technique, mais aussi mentale et morale.
Au Japon ou à Okinawa, les Maîtres eux-mêmes délivraient directement ces grades à leur élèves, et certains continuent de suivre cette tradition, sans forcément être “concernés” par une reconnaissance “extérieure”. A partir du 6ème dan, il est possible d’y associer le port d’une ceinture rouge et blanche* (les couleurs du Japon), puis une ceinture rouge pour le 9ème et 10ème dan. A noter que la reconnaissance d’un dan, d’un pays à un autre, implique que la fédération du pays qui la décerne soit reconnue par la Fédération Mondiale de Karaté (WKF). Dans le tableau ci-dessous, est indiqué l’âge minimum requis pour l’attribution d’un dan en France (c’est pratiquement identique à la WKF). Par ailleurs, le temps de pratique pour passer d’un dan au suivant est de plus en plus long : il faut par exemple pratiquer 3 ans pour passer du 2ème au 3ème dan, puis 4 ans pour passer du 3ème au 4ème dan, et ainsi de suite.
(japonais)
(Classification)
minimum
la ceinture
(Shodan)
(Yudansha)
(Nidan)
(Yudansha)
(Sandan)
(Yudansha)
(Yondan)
(Yudansha)
(Godan)
(Kodansha)
(Rokkudan)
(Kodansha)
(Shichidan)
(Kodansha)
(Hachidan)
(Kodansha)
(Kudan)
(Kodansha)
(Judan)
(Kodansha)
(*) Les titres de Maître (Renshi, Kyoshi et Hanshi) ne sont pas forcément attribués avec le dan. De plus, les ceintures blanche et rouge, ou rouge, leur sont réservées.
La signification des grades au Japon
Il faut savoir qu’au Japon, les dan sont aussi utilisés dans des jeux de stratégie comme le “Go” ou le jeu d’échecs, et dans des arts culturels (calligraphie, arrangement floral…) pour signaler différents niveaux de maîtrise ou d’expérience. Dans les arts martiaux, voici traditionnellement la signification des grades décernés au “Yudansha” et au “Kodansha” :
- 1er dan (étudiant) : niveau le plus bas, débutant (ayant étudié la base)
- 2ème dan (disciple) : travail technique externe (“Omote”), technique pure
- 3ème dan (confirmé) : travail interne (“Okuden”) et mental (“Shisei”)
- 4ème dan (expert) : niveau de perfection technique et mentale à partir duquel l’initiation à la véritable maîtrise peut commencer
- 5ème / 6ème dan (Renshi) : celui qui a été “forgé”, a acquis l’expertise et la maîtrise de son style, et a les qualifications requises pour enseigner
- 7ème / 8ème dan (Kyoshi) : possède la maîtrise intérieure, et a une connaissance approfondie des techniques et de la tradition des arts martiaux
- 9ème / 10ème dan (Hanshi) : celui qui a tout reçu et qui, à son tour peut “donner”, il possède un caractère et une moralité exceptionnels
Pour la petite histoire, Jigorō Kanō fut le seul détenteur du 11ème dan : après sa mort, on lui attribua le 12ème dan à titre honorifique, la plus haute distinction décernée, et symbolisé par une large ceinture blanche (couleur des débutants, pour signifier que l’on n’a jamais tout appris).
Et vous, quelle importance accordez-vous à la signification des grades ?
Auteur de l'article
Professeur de Karate
6ème Dan - BEES 2